De l’infarctus au retour en grâce : comment Bernie Sanders s’est relancé dans la course à la Maison-Blanche

Bernie Sanders en meeting à Venice Beach, près de Los Angeles, le 22 décembre. (Reuters)

Par Thomas Liabot – Le JDD

Victime d’une crise cardiaque début octobre, Bernie Sanders est aujourd’hui le candidat en forme du moment, à trois semaines du caucus de l’Iowa. Voici comment le sénateur du Vermont s’est relancé ces dernières semaines.

Bernie Sanders est de retour. Victime d’une crise cardiaque début octobre et menacé à la fin de l’été par l’ascension d’Elizabeth Warren, avec qui il partage l’aile progressiste du parti, le candidat démocrate de 78 ans n’a pas dit son dernier mot. Trois mois à peine après son infarctus, le sénateur du Vermont s’est solidement ancré à la deuxième place des sondages nationaux , derrière Joe Biden. Surtout, il est maintenant très bien placé dans l’Iowa et le New Hampshire, les deux premiers Etats qui vont voter, début février.

Selon la moyenne des sondages de RealClearPolitics, Sanders est désormais en tête dans ces deux Etats cruciaux, qui ne permettent pas d’obtenir un grand nombre de délégués, contrairement à la Californie ou au Texas par exemple, mais peuvent accélérer la dynamique des candidats. Selon un sondage YouGov publié début janvier, Bernie Sanders a rattrapé son retard en Iowa. Il est maintenant à égalité (23%) avec Joe Biden et Pete Buttigieg. Dans le New Hampshire, le septuagénaire devance Biden de 2 points (27%), selon le même sondage.

Au dernier trimestre, le sénateur du Vermont a effectué la plus importante levée de fonds de tous les candidats démocrates, récoltant plus de 34 millions de dollars, soit 10 de plus que Buttigieg et 12 de mieux que Biden et Warren. L’ancien adversaire d’Hillary Clinton en 2016 réalise du même coup sa plus forte levée de fonds depuis qu’il s’est lancé dans la campagne en février 2019.

Voici comment Bernie Sanders est redevenu un favori dans la course à l’investiture.

Il a rassuré sur son état de santé

La campagne de Bernie Sanders aurait pu prendre fin très rapidement après la crise cardiaque dont il a été victime. D’autant que le cafouillage qui a suivi ce coup de tonnerre n’a pas rassuré l’opinion publique. Son équipe de campagne a d’abord été critiquée pour son manque de transparence dans les premières heures ayant suivi l’accident. Bernie Sanders lui-même n’a pas apaisé les esprits, en déclarant peu après la fin de son hospitalisation qu’il comptait « changer un peu la nature de la campagne, [m]’assurer que j’ai la force de faire ce que je dois faire ». Un rare signe de vulnérabilité qu’il a vite réussi à gommer.

« Je me sens très bien », déclare-t-il quelques jours plus tard sur la chaîne ABC. « J’ai hâte de reprendre une campagne très vigoureuse […] j’ai hâte de participer au débat ». Moins de trois semaines après sa crise cardiaque, le septuagénaire organise un grand meeting devant plusieurs milliers de partisans réunis à New York. « Pour le dire franchement, je suis de retour », affirme-t-il. « Ça a été capital, un moment critique dans la campagne », se souvient Charles Voisin, journaliste et auteur du livre Bernie Sanders, quand la gauche se réveille aux Etats-Unis.

Il a obtenu des soutiens de poids

Durant cette période critique, Bernie Sanders a aussi pu compter sur des soutiens de poids. La star montante du Parti démocrate, Alexandria Ocasio-Cortez, a participé à son meeting de reprise à New York. Le sénateur du Vermont était encore à l’hôpital lorsque cette voix très influente auprès des jeunes progressistes lui a annoncé son soutien. D’autres personnalités de l’aile gauche du parti l’ont aussi soutenu, à l’image d’lhan Omar et de Rashida Tlaib, qui forment avec « AOC » ce que Donald Trump appelle la « brigade », qu’il accuse de « haïr l’Amérique ».

« Il a été soutenu par toutes les ‘dures à cuire’ du parti, souligne Charles Voisin. Or le vote des jeunes sera crucial dans cette élection et Bernie Sanders fait un triomphe parmi eux. » Le candidat démocrate est en effet en tête dans tous les sondages auprès des plus jeunes, un atout qui lui a permis de rebondir malgré l’alerte de santé début octobre.

« Sanders est un candidat unique qui se démarque des autres en proposant quelque chose de tout à fait différent, comme la quasi-gratuité des études et de l’assurance maladie, poursuit Charles Voisin. Il se finance de manière différente avec un soutien populaire énorme et non pas auprès des groupes ou des grandes fortunes. Il propose une révolution politique. Pour ceux qui soutiennent ça, c’est ‘Bernie ou rien’, ils ne vont pas changer de candidat. »

Son message est toujours populaire

Méconnu lors de son entrée en campagne en 2015, Bernie Sanders bénéficie aujourd’hui de l’expérience acquise durant les dernières primaires démocrates, mais aussi de la notoriété qui a accompagné sa montée en puissance il y a quatre ans. « Certains candidats, comme Elizabeth Warren ou Pete Buttigieg font le yo-yo, alors que d’autres, comme Sanders ou Biden, se maintiennent parce qu’ils sont déjà connus et ont déjà fait des campagnes par le passé », note Charles Voisin.

Contrairement à Joe Biden, qui a été chahuté depuis le début de sa campagne lorsque certaines de ses prises de position ont été exhumées, Bernie Sanders fait preuve d’une cohérence à toute épreuve. « Il n’a pas changé, il a le même discours depuis les années 1970. C’est rassurant pour ses électeurs », poursuit le journaliste. Malgré l’infarctus de Sanders, Elizabeth Warren, qui se place plus ou moins sur la même ligne, n’a pas réussi à en profiter. Elle a même perdu des points dans les sondages. « Elle n’arrive pas à montrer qu’elle ferait mieux que lui, analyse Charles Voisin. Sanders lui laisse très peu de cartes à jouer. »

De retour au premier plan, Bernie Sanders est désormais un adversaire de taille pour Joe Biden. Et le sénateur du Vermont lâche ses coups. « Biden a voté pour la guerre en Irak, il a voté pour ces terribles accords commerciaux, il a voté pour le projet de loi sur la faillite [un texte de 2005 très critiqué par les progressistes, NDLR]. Trump va le manger », a-t-il raillé.

Joe Biden a assuré qu’il n’avait que faire de ses « commentaires ridicules », mais comme le rapporte Politico, son équipe a clairement identifié la menace. « Quelle leçon tirer de 2016? Qu’il ne faut pas sous-estimer Bernie Sanders et ses partisans, affirme une des plus proches conseillères de Biden. C’est une base de soutien solide et large. Et c’est un candidat infatigable. »

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