LA FABLE DE CHANTECLER

Un jeune maître coq très fier de son jabot et de ce galimatias qui lui servait de chant, parcourait la campagne castillane à la recherche d’un lieu où s’établir.

Il jeta son dévolu sur une petite basse-cour, relique médiévale sur laquelle régnait un seigneur droitier spécialiste de la soupe aux choux. 

A force de promesses, d’artifices et de raffuts le jeune ambitieux qui pérorait, à qui voulait l’entendre, être libertaire et démocrate, réussit à s’attirer la sympathie des gens de la basse-cour, réveilla même les morts, habituellement si silencieux, et, dans le cadre de ce processus républicain qui souvent donne la part belle au plus bonimenteurs, chassa l’ancien maître des céans. 

Comme tout gallinacé qui se respecte il fêta sa victoire avec force cocorico. 

Si dans un premier temps le respect de l’agenda 21 fut cette boussole qui guida la gestion de la petite basse-cour,  l’exposition prolongée aux feux ardents du pouvoir, mettant à l’épreuve  les cœurs les plus aguerris, transforma notre jeune coq, pseudo démocrate, en un autocrate endurci, jaloux de ses prérogatives. 

Ainsi, notre nouveau roitelet, en véritable démocrate qu’il prétendait être : 

Ostracisa une association de tortues ainsi qu’une association de cigales lesquelles ne partageaient pas, en tout point de vue, sa conception de l’organisation de la basse-cour. 

Attribua de manière discrétionnaire et arbitraire le grain de la collectivité ainsi que la paille où se reposer, à quelques-uns de ses courtisans…

Employa, sur le compte de la communauté, ses poussins à quelques menus labeurs, alors que dans un même temps, il fustigeait voire interdisait cette pratique chez les autres…

À ces quelques brebis, qui le soir voulaient mieux voir la lune, il offrit une petite bergerie voire promit plus… pourquoi pas la régence de la basse-cour ?

Acquis parcelle en terres sarrasines…

Poursuivi de son intransigeance toutes celles ou tous ceux qui avaient le malheur d’avoir plumage ou ramage meilleur que le sien voire de développer une approche différente de la sienne…. tant et si bien qu’un jeune taureau refusant le bât qui lui était imposé aussi bien que le mors qui lui était appliqué dénonça devant les juridictions fermières compétentes, avec force arguments, le caractère injuste de sa situation. Partageant cette triste réalité avec ces quelques colombes, volatiles intelligents s’il en est, qui, devant s’occuper de la messagerie du Chantecler,  n’ont, sous la pression du despote, pas tenu plus d’une année…  

Porta atteinte à la liberté d’expression en entravant, notamment, l’organisation d’une réunion décidée par quelques oies, qui, telles leurs homologues du capitole, voulaient, un fameux 24 juin de l’année 2019, cacarder des avertissements au reste de la basse-cour…

Happé par son ambition dévorante, notre roi de la basse-cour se prit à rêver à des fonctions  autrement plus honorifiques que le simple titre de coq d’une petite basse-cour de campagne.

S’acoquinant avec un garenne sans panache dont le seul fait d’arme consiste à avoir été mis en cause dans une affaire de conflit d’intérêt et assisté d’une dinde à la crête pourpre dont la vacuité du raisonnement n’a d’égale que la hauteur de l’estime qu’elle se porte à elle-même, notre coq, en pâte, va transformer la petite basse-cour de campagne, en une exploitation industrielle, sous le modèle de la ferme des 1000 vaches ; autrement dit dénuée de toute nature…. Tournant une fois pour toute le dos à toutes ses promesses du départ.

Porté par cette ambition qui le mène vers une destinée, qu’il espère auréolée, Chantecler, caché derrière son jabot rouge vif, se rit de ces anciens camarades de basse-cour.

La morale de cette histoire est laissée à la libre appréciation du lecteur qui, lui-même, sait que toute ressemblance avec la réalité peut malheureusement ne pas être fortuite.